dimanche 14 septembre 2014

Dreamshot #1 - La Plaine aux Nuages

Nous roulions à vive allure sur la route rectiligne et grise. De chaque côté, la Plaine aux Nuages défilait comme un décor de cinéma. Le clair de lune donnait au paysage des allures de nuit américaine. La nue ressemblait à un troupeau de moutons et projetait des ombres diffuses sur la végétation desséchée. Parfois, Carlos quittait la route pour éviter les nuages, écrasant les buissons qui craquaient sous les pneus du cabriolet. Quand les nuages étaient à la bonne hauteur, il me suffisait de tendre le bras pour les toucher du doigt. Leur texture rappelait celle d’une pelote de laine. Verónica et Angélica n’osaient pas m’imiter de peur de se blesser, mais elles riaient à chaque fois qu’elles me voyaient caresser les moutons blancs, et leurs rires étouffés par la poussière se perdaient dans le vent. Je me retournais souvent pour les observer, et leurs regards malicieux me procuraient un bonheur intense. Carlos ne disait pas un mot, il restait concentré sur la route, mais son visage exprimait un peu de jalousie. Je lui dis qu’au retour je prendrais le volant, et il se détendit.

À un moment nous aperçûmes une voiture encastrée dans un nuage échoué. Le choc avait dû les faire dériver avant qu’ils ne s’abîment dans la plaine. Nous allions trop vite pour distinguer les corps et il n’était pas question de ralentir. L’incident n’altéra pas l’humeur joyeuse qui régnait dans la décapotable. Nous connaissions les dangers de la Plaine aux Nuages.

Quand nous arrivâmes au casino, la pluie se mit à tomber, nimbant les enseignes lumineuses d’un halo fantomatique. Un éclair zébra le ciel au-dessus de nous, suivi d’un coup de tonnerre assourdissant. J’offris mon blouson comme protection à Verónica tandis que Carlos rabattait la capote de la voiture. Puis nous nous précipitâmes dans le hall.